24 février 2010

Le cuistot de la semaine multiplié par deux

Par Donatien


En vérité je vous le dis : c’est à la migraine du matin qu’on mesure les miracles de la veille.
Casque à boulons, c’est que c’était bon.
Infortunés les malheureux castors qu’une haute vertu maintint chez eux, dans la stricte observance du carême, à l’abri des plaisirs fangeux et des tentations de la (bonne) chair.
Mieux inspirés les vingt-quatre Archiball avides de mortifications nocturnes qui prirent le chemin de Musard. Ne furent-ils pas les témoins de maintes épiphanies de la balle ? Ne virent-ils pas réapparaître auréolés de toute la lumière de la Résurrection, les Patrick, les Jean, les Yannick, les Bernard, les Alain : ces beaux joueurs naguère disparus. N’eurent-ils pas la vision du Malin, se pavanant dans son avatar habituel – l’enveloppe charnelle odieusement usurpée de Guitou ? N’ouïrent-ils pas ce beau Diable sommer trois fois, un genou à terre et dans le plus simple appareil, le très saint Signolat de rejoindre la tribu de Sodome ? Loué sois-tu Grognard pour ton triple et intraitable refus, nous verserons ce témoignage au procès de ta canonisation.
En vérité je vous le dis : c’est à la fin que l’hiver est le plus long. Quand le corps ankylosé par sa longue hibernation et le souffle coupé par l’interminable nuit, ne demandent qu’à renaître.
Et c’est ému sans doute par les souffrances et l’essoufflement de Son peuple cavaleur, que le Très-Haut décida de le soulager, le temps d’une soirée, des privations réservés aux autres mortels.
Aussi descendit-Il en Personne dans les entrailles de la rue de Bègles pour donner au cloaque une apparence d’Eden. Un premier miracle donna le ton : d’un cuisinier il en fit deux. Gwen et Jérôme croyait-on. Et comme Il se sentait en veine de multiplication Il tripla l’assemblée des commensaux. Tout à sa joie de remplir le trou, Il fit semblant de ne pas voir les quelques hommes de peu de foi thésaurisant les croûtons destinés à garnir une onctueuse soupe Thibériade.
Tout à son bonheur d’être là, Il fit semblant de ne pas entendre Judas railler l’absence de riz dans la Paëlla et se retint de transformer le rabiot de croûtons en Basmati. Déjà le Cantique au bon fromage se préparait dans des cœurs comblés par la grâce de ce qui était en fait une subtil wok de crevettes halal.
Alors, le Très-Haut, encore incognito, pensa que le temps était venu de révéler Sa sublime présence. Usant pour se faire entendre de l’organe délicat de Piou-piou, Il dit : Voyez ! Et les Archiball virent. Ils virent deux inépuisables saumons biélorusses vautrés, tels deux vastes Boudha, en leur lit de céleste semoule. A ce moment précis, un hurlement atroce recouvrit le brouhaha : le diable vaincu sortait du corps de Guitou et s’enfuyait du trou. La place étant libre (et chaude), le Très-Haut s’installa en Guy puis, profitant du passage opportun d’un vol d’anges, déclara : « Alléluia, Je vous le dit, le bien nommé Christian Signolat est le meilleur d’entre vous, sur le terrain comme à la tireuse. Et à ce titre, Mon cher Kiki Je te fais castor d’or.» Ensuite, tout ne fut que fête et réjouissance. Un geste et l’on vit l’Amiral se transformer en joueur de flutiaux des temps anciens. Un autre geste et tout fut en lévitation : les assiettes, le brie, les âmes. Enfin après s’être amusé à changer l’eau en Manzana, le café de What Else en Patxaran, Gwen et Jérôme en Eros et Héphaïstos puis en Marx (Thierry) Brothers, le Divin se retira soyeusement du Trou, emmenant notre Trémoulet avec lui.
Longtemps on parlera de cette Cène-là, de ce festin sans comparaison. Longtemps aussi on se demandera pourquoi le pain fut la seule denrée rétive à la multiplication.
Les voies de Pépé – et cela vaut peut-être mieux ainsi – sont impénétrables.
Amen

18 février 2010

Le cuistot de la semaine ou les premiers pas du Garibaldi Archiball

Par Guigui et Le Barde

La question était posée à l’entrée des vestiaires, habituelle, commune, porteuse d’espoir et heureusement sans crainte tant le niveau est beau et bon dans notre trou.

Qui est de bouffe ce soir ?
Toto, nous rejoignant sur le pré répondit enfin à cette question qui taraudait nos esprits :
- Jean Luc, dit il donc.
- Qui ça, qui c’est ?
- Mais si, un des stagiaires de cette année
- Ahhhhhhh

Ce Ahhhh signifiait tout. Chacun y allait de sa petite pensée alors que la gonfle volait de mains en mains avec célérité. Les mouvements étaient beaux, profonds et même notre Guy Clairon de Gosier (et sa compagnie créole) resta (presque) muet devant la démonstration des deux camps du soir.

Bref, une douche plus tard, les Castors s’attablaient et là… Oh surprise ! Oh délicates effluves sortant de l’alcôve culinaire dirigée par notre jeune chef.
C’était sa première et quelle première !
Je réfléchissais au sens que je pourrais donner à ce repas, quel fil conducteur pourrait représenter ce tour de force que fut ce dîner. J’observais alors les castors et l’éclair se fit.

Jean Luc avait réussi, signe des soirs de grande bouffe, à unifier, lier ; il démontrait une fois de plus que la symbiose bouffe-castor avait un sens.

Il me rappela ce personnage historique qui a unifié l’Italie, Guissepe Garibaldi.
Connu aussi comme le Héros des deux Mondes, je ne peux que faire un rapprochement avec Jean Luc ; ses subtils mélanges de douceurs venant de la botte, pleines de soleil et de joie de vivre unifièrent nos sens à défaut d’un pays.
Ces délicates charcuteries, que Piou Piou et son illustre père trouvèrent intéressantes, distribuèrent une première once de bonheur, ces tomates séchées les recouvrant leur donnant ce je ne sais quoi de subtil qui laissait augurer du meilleur pour la suite.
Et là nous tombâmes muets de stupeur (pas longtemps) devant le plat.
Une première ! Oser l’osso buco au trou, c’est grand !Accompagné, bien sûr, de pâtes fraîches.
En un mot comme en cent, ce fut sublime.
Mais nous n’étions pas au bout de nos surprises car lorsque arriva le fromage, après un lancer d’assiettes assez réussi, nous ne pouvions que rester béas. Loin le classique camembert ! Hors course le Brie ! Place aux grands, aux vrais fromages, ceux qui puent et qui ont du goût, du vrai !
Merci à Pépé qui contingente les baguettes et qui a permis d’avoir du bon pain pour accompagner ces divins fromages.
Le tiramisu vint alors clôturer cette parenthèse italienne qui laissera longtemps des traces. On en deviendrait presque italien, enfin, s’ils battaient enfin les anglais…

Jean Luc, tu as réussi deux choses, te faire enfin connaître de tous et nous faire regretter de ne pouvoir te découvrir plus encore. Bravo !

A ceci, le Barde ajoute :

Ce soir-là, tout ne fut que calme, luxe et volupté. Le ciel était gris de nuages mais le redoux colportait je ne sais quoi de printanier. Notre enfant Jésus avait déserté ses fourneaux pour gambader sur le pré. Le toulousain avait retrouvé ses cannes et Guitou était de retour, la peau tannée et le cheveu plus poivre et sel que jamais. Nous courûmes, lâchâmes peu de ballons et souvent franchîmes la terre promise. Même si l’une des deux équipes fut, en la matière, plus prodigue que l’autre. Mais l’on ne saurait s’arrêter à de telles fadaises. Non, ce qui fut si particulier, c’est le calme. Pas un mot plus haut que l’autre, pas la moindre rouspétance ; le jeu, rien que le jeu. Le ciel était gris de nuages et le crachin ne fut pas prétexte à trop de maladresses. Excepté pour Dominique, errant comme une âme en peine à l’extrémité de ses pairs. Je suis vieux me dit-il et ne vaut plus grand-chose. Alors, l’enfant Jésus s’approcha de lui et le réconforta : « La forme est à l’égal de notre condition d’homme. Sache attendre les jours meilleurs et prends cette épreuve comme une bénédiction. » Dominique mit un genou à terre et levant des yeux éplorés récita le benidicite, rejoint par Pioupiou et bientôt la troupe entière. En sorte que l’enfant Jésus se dressant sur la rambarde clama les béatitudes de l’apôtre. Alors la lune devint rousse, les nuages, coupables, rebroussèrent chemin, et une immense clameur s’éleva de Musard.

Ce fut un soir touché par la grâce, un de ces soirs qui rendent la vie plus douce. D’autant que Loulou attendait ses petits au trou, le cou ceinturé d’une écharpe aux tons d’aube.

10 février 2010

Le cuistot de la semaine, un Don du ciel

Par le Blogger et le Barde


Moi, si j'étais une fille, je serai amoureux de Donatien. Ouais ! Et je le dis cash. J'ai bien hésité entre lui, le Toulousain ou Arnaud, mais non ! Finalement, c'est Donatien.
Arnaud n'est pas toujours gentil, tu peux faire le poirier toute la journée avec un kilt écossais et un bouquet de poireaux dans le cul, tu vas pas lui décrocher un rictus. En plus, si t'es assis, t'as pas intérêt à te lever, parcequ'Arnaud à toujours un verre d'eau sous la main. Et si tu le laisses pas passer pour marquer un essai, il te fait la gueule toute la soirée.
Le Toulousain, ou tu es sourd ou tu planques bien tes écouteurs dans les oreilles et tu lui fais oui de la tête en écoutant ta musique. Cependant, c'est assez rare pour le signaler, on salue tout de même sa performance en public : il a enfin réussi à raconter une blague courte. Déjà connue, mais courte ! Comment fait un gros poussin ? Piou piou (avec la voix du charcutier junior). Même si on rit pas, on peut l'applaudir.
Alors que Donatien lui, il a toujours le sourire et quand il te parle, tu bois ses paroles. C'est le gars le plus mignon des Archiball. Et on peut dire qu'on a de quoi faire, avec tous ces mecs, beaux, intelligents et musclés, qui mériteraient qu'on enregistre chacun de leurs gestes et envoyer l'enregistrement dans l'espace pour donner à la galaxie la meilleur idée de l'humanité. (Au lieu de ces enregistrements débiles de contractions vaginales des ballerines du Boston Ballet qui nous ont attiré le seul extraterrestre dont on ne sait pas quoi faire, Dudu !)
Ah, Donatien ! Petit blondinet adoré de sa maîtresse, brillant en classe, toujours au premier rang, à lever le doigt pour toutes les questions de maths ou d'histoire-géo.
Ah, Donatien, chouchou des copines au collège qui tombe le sexe opposé des classes supérieures à coup de poèmes.
Ah Donatien, le Rimbaud du lycée, le James Dean des récrés, le Wilkinson des près, cette belle gueule qui a réveillé à pas de courses toutes les cochonnes qui sommeillent.
Ah Donatien, le nubile que toutes les filles un poil frétillantes à la fac aimeraient percer le mystère et les boutons noirs.
Ah Donatien, le blond des pistes de ski, des boîtes de nuit, du sable fin et du réchauffement climatique.
Combien tu nous as manqué hier à Musard ; Tes courses folles, tes passes inouïes qui nous font briller et qui éclairent le jeu de ta clairvoyance ? Certains ont beau se trouer pour compenser ton absence, mais quelle pâle copie ils ont rendue ! Nos gazelles affolées comme par la menace d'un orage ne trouvaient pas la terre promise. Nos gros se tamponnaient avec un gros bug dans les circuits. On a bien essayé d'en rire, mais non ! Il nous manquait ton côté foufou sur le terrain. La seule bonne nouvelle : Zeille a fini l'entrainement sans fâcherie.

Pour le reste, c'est le Barde qui en parle le mieux :

Mettre autant de délicatesse dans la soupe à l’oignon relève de la grâce. Ou plutôt, inspirer tant de douceur d’un bouillon de pot au feu parsemé de fines lamelle d’oignons témoigne d’une poétique de la soupe réservée à quelques élus. Donatien est un être béni des muses. Tout ce qu’il touche est d’une infinie délicatesse. Par lui, avec lui et en lui la moindre saveur est un cadeau du ciel. Et lorsqu’il sert le pot au feu qu’annonçait son bouillon, que nos bouches suppliantes accueillent cette chair tendre, suave dans une béatitude inouïe, on ne peut que s’incliner devant celui qui fait de la tradition un chef d’œuvre. En quoi Donatien est un artiste. Mais ça on le savait. Et que dire des pommes de terre, carottes, navets, de cette sensualité des « plantes potagères qui peuvent entrer dans l’alimentation humaine » comme l’écrit Robert (le petit). Rien sinon s’incliner. Comme on s’incline devant une madone de Raphaël ou du Vinci, devant un quintette de Mozart ou un sextuor de Brahms. Cuisiner est un art et ceux qui avaient dérogé à leurs habitudes du mardi en sont pour leur compte. Il fallait voir Pépé, sauçant de son pain prodigue son assiette comme un enfant sauçant sa sucette Pierrot gourmand au sortir de l’école. Ou Lolo se servant et se resservant sans fin, heureux de pouvoir renter chez lui, replet et bonhomme, sans être le moins du monde importunés par ses gousses que l’on dit d’ail. Ce fut un grand moment, une communion inoubliable, la confirmation d’un talent à nul autre pareil.
Alors, bien sûr, le fromage dans tout cela est bien peu de choses. Un brie suffit à l’affaire. Ce n’est rien un brie et c’est beaucoup dans cet entre-deux qu’il noue avec le pot au feu et le lancer d’assiettes. Et là Donatien fut le demi de mêlée qu’il n’a jamais cessé d’être. Son lancer fut long, précis et seuls quelques manchots ne parvinrent pas à saisir le disque qu’une main intrépide mais ferme leur adressait. Il y a des pousseurs de citrouille chez les archis ! Qu’on se le dise. Dieu reconnaîtra les siens. Enfin vint le dessert. Un vacherin à la fraise, meringué à souhait dont Lolo jamais ne se lassa sous l’œil attendri de prof. Prof qui nous fit, après que What Else eût officié un cours magistral sur les tenants et aboutissants d’un rugby moderne dont le salut, à ses yeux, passe par un retour à la case départ et la constitution d’une élite à quatre-vingt-clubs. Pioupiou manqua de s’étouffer, Jean-Pierre tenta de corriger le tir et Walid jurait ses grands dieux que tôt ou tard Cadillac rejoindrait le haut du panier. Puis le trou se vida, comme se vident les églises. Les fidèles repus regagnaient leur foyer sous un ciel de neige. Il y avait un je ne sais quoi de Noël dans cette soirée. Donatien, c’est notre enfant Jésus.

03 février 2010

Le cuistot de la semaine, un lion à la queue de castor

Par le Barde


Guigui m'a demandé, entre la poire et le fromage (mais pourquoi diable la poire et pas la pomme, la framboise ou la mangue), Guigui m'a donc demandé si je m'y collais. J'ai opiné du chef, ce qui est la moindre des choses à l'endroit d'un gendarme. Mais me coller à quoi me direz-vous ? A Dudu bien sûr qui, dans son immense bonté, avait décidé d’être les old lions à lui tout seul puisque ses commensaux avaient décliné notre offre. Car Dudu, pour ceux qui ne le savent pas, et je pense tout particulièrement à notre pioupiou, c’est aussi un old lions. Il ne peut se résoudre à n’être qu’un castor ; il lui faut aussi être un lion. En sorte qu’il marie la queue plate du castor à la queue terminée par une grosse touffe de poils du lion. Ce n’est pas moi qui l’écris, c’est Robert (le petit).
Un petit détour par Musard comme il est de tradition. Nous n’étions qu’une petite vingtaine à taquiner la gonfle. Nous ne fûmes pas plus maladroits que d’ordinaire mais plus bégueules que jamais. N’empêche, il y eut de belles choses et quelques essais d’ailiers dignes de la plus pure tradition lourdaise. Et c’est sur une égalité parfaite que s’acheva la partie. Du moins aux dires de la piballe qui compte les points comme d’autres comptent les palombes, faisant de l’à peu près une règle d’or. Titi, notre pinson, se retira avant que la partie ne s’achève, après une prise de bec avec Hamilton qui était pourtant des siens. Hamilton, en effet, en homme juste qu’il est, accorda un toucher supplémentaire à ses adversaires lestés d’un joueur. Et lorsqu’il voulut appliquer cette règle bénie des dieux, Titi s’en offusqua et gagna ses pénates. Puis le calme revint. Mais le cœur n’y était plus. Un toucher sans Titi, c’est les Fleurs du mal sans Charles Baudelaire, Quand vient la fin de l’été sans Guitou. Alors Eric (Léonard) hurla aux loups pour dire notre solitude et notre chagrin. Mais Titi ne revint pas. Telle une bête blessée, il faisait des abdos sur la rambarde et recouvra son éternel sourire.
Au trou, Dudu se la joua cantine. Carottes râpées en entrée avec force ail au grand dam de Lolo qui pensait avec effroi au baiser nuptial qu’il déposerait à sa douce Caro au moment de la rejoindre dans la couche conjugale. C’est un tendre Lolo. Fidèle à sa tradition, Dudu nous servit une paella maison en guise de plat principal. Rien à dire. D’ailleurs Pioupiou était aux anges sous l’œil énamouré de la Jacquouille. L’année prochaine, Dudu nous promet d’innover et de s’aventurer vers la panse de brebis farcie. Dont acte. Question fromages, Dudu honora des restes que Lolo renifla précautionneusement avant de se dédire, certain que Caro le foutrait à la porte si jamais il outrageait un peu plus son haleine. En guise de crêpes (pour la chandeleur, c’est la moindre des choses), nous eûmes des mandarines. Là, c’est une faute de goût. Mais Dudu esquive les critiques comme il esquive ses adversaires, et avança qu’il n’avait pas eu le temps de faire reposer la pâte puisqu’il se retrouvait de bouffe sur le tard et par un effet de sa bonté. Dudu a une conception très extensive de la pâte. Mais louons-le pour son ineffable bonté.