27 juin 2010

Rugby des champs

Par Le Barde

C’était à Saint-Georges de Montagne dans les faubourgs de Saint-Émilion. Nous avions rendez-vous à 10H00. Les premiers arrivants pointèrent le bout de leur nez vers les 10H45. Il faut dire que le château Saint-André Corbin, il se mérite. Nombreux furent ceux qui s’égarèrent. A ce jeu, le Tcho obtient, sans conteste, la palme. Il fit, en effet, un détour par Ribérac avant de rebrousser chemin et de reprendre la route de la Gironde. Le Tcho, c’est un navigateur pas un roadman. Les eaux, il les apprivoise, pas le bitume.
N’empêche, c’est pas la peine de s’appeler Corbin quand on se situe sur des terres qui n’ont rien de Corbin. Je m’explique : alors que vous traversez une route où les châteaux Corbin s’assemblent en grappes, il vous faut grappiller encore quelques kilomètres avant que de rallier Saint-André Corbin, propriété de la famille Saby dont Jean-Philippe est le blason.
Saint-André Corbin domine une vallée où, au loin, on aperçoit sur sa droite le château Saint-Georges. Le vignoble s’étale en croupes ponctuées, ça et là, par de jolies demeures en pierres. La vigne est sensuelle. Nous étions une poignée, mais quelle poignée : Gwen (et sa petite famille), Walid et moi-m’aime, Guitou, Joël et deux fruits de sa progéniture, Donatien et son fils Anatole, Titi et son Isabelle, Jean-Philippe et sa douce Carole, Fajolles et sa tendre, Franck, Kiki (ô Kiki). Comme nous en étions convenus, nous clôturâmes la saison par un toucher champêtre parmi les châtaigniers, les ifs, les buissons de lauriers et les rangs de vignes. L’équipe de Guitou fut laminée, balayée, anéantie. Mais Guitou, même quand il perd, il gagne. Il décida ainsi que le dernier essai déterminerait le vainqueur. Et Guitou marqua malgré un handicap de 5 essais. Et Guitou triompha. N’importe, le soleil dardait ses rayons triomphants sur nos corps en sueur et nous avions l’âme guillerette.
Pareils à des enfants, nous allâmes quérir une eau salvatrice et fraîche, à deux pas des chais, à l’aune d’un tuyau d’arrosage. Lors que Guitou lavait son corps juvénile dans une douche bien ordinaire. Et c’est le corps pur que nous rejoignîmes la table. Perdigue nous retrouva avec madame et ses deux petits, accompagné de Poulet. El Plancho (Jean-Philippe) se mit à la plancha après force melons, pastèques, crevettes et huîtres (les huîtres c'est Kiki, comme Walid était là). Aidé par Isabelle, il gambassa avec ce qu’il faut d’ail et de persil. Le vin rouge coulait à profusion.

Perdigue entreprit alors de plancher sur la viande. Nous n’en finissions pas de mâcher. Et c’était bon. Après le fromage apporté par Poulet le bien nommé, vint le temps des desserts et le temps des cerises (hommage à ceux que la vindicte de l’abominable Monsieur Thiers terrassa il y aura bientôt plus de cent trente ans. O mes camarades terrassés par l’ordre et les privilèges, ô Clément, ô Potier, le merle moqueur à jamais vous rappelle à notre souvenir.)

Nous ignorions que Jean-Philippe fêtait ses trente-cinq ans. Nous le sûmes. Un chant sublime s’échappa de nos lèvres. Nous aurions pu, il est vrai, planter les bougies de circonstance sur les huîtres ou les gambas. Tradition oblige, nous nous en remîmes au fraisier. Puis, peu à peu, lentement, satisfaite, la petite troupe se dispersa après avoir visité les chais. Jean-Philippe et Carole sont des hôtes incomparables.
Nous décidâmes de ne pas en rester là et de renouveler l’expérience. Si la saison commence en pétanque, elle s’achèvera désormais à la campagne, peut-être chez Jean-Philippe, pourquoi pas chez un autre. Mais chez Jean-Philippe, c’est vraiment bien. Le rugby des champs a encore de beaux jours devant lui.

23 juin 2010

Le cuistot de la semaine, l'Amélie melo

Par Le Barde


Orphelins du pré, il n'est rien de tel que le vélo (pourquoi ne dit-on plus bicyclette, c'est tellement plus joli !) pour se rendre au trou. Surtout lorsque l'on pratique la petite reine avec Miguel et Walid. Il faut le voir Miguel sur le vélo de sa fille longeait les quais, le cigare à la bouche, le vent dans ses cheveux blonds et le soleil à l'horizon. Comme il faut voir Walid sur sa bicyclette d'un autre siècle, large et généreuse, le coup de pédale lent et altier, arpenter les beautés de la ville avec une majesté rare. Walid, il a un petit faible pour le miroir d'eau dont nous fîmes vingt fois le tour, Miguel ahanant de fatigue, le cigare au bout de la langue comme un vulgaire mégot de cigarette roulée au gros gris.

Lorsque nous parvînmes au trou, il n'y avait personne. Pas d'Amélie et pas de pression (les deux font la paire car Amélie ne donne jamais le sentiment d’avoir la pression, j’y reviendrai). Aussi, nous nous réfugiâmes, faute de grives, au bien nommé l'Avant-scène. Peu à peu, nous fûmes plus nombreux. Et nous vîmes le spectacle délicieux de Jacky tailler une bavette sur le quartier de sa jeunesse avec une dame d'un certain âge qui conversait, au préalable, avec un jeune couple enlacé sur le balcon. Il n’y a que les cons qui ne savent pas goûter les charmes du « populaire ». Moi, je les préfère à ceux de la haute ; ils sont plus nature et d’une indiscutable poésie. Prévert en savait quelque chose et Prévert, il est grand. Pas d’Ormesson.

Nous regagnâmes le trou. Toujours pas d'Amélie. L’inquiétude gagnait ceux qui ne le connaissent pas. Hervé, c’est un placide, un flegmatique imperturbable qui n’a que faire du qu’en dira-t-on et qui va son chemin en parvenant à ses fins. Un petit coup d’œil sur les résultats des jeunes pousses béglaises convaincra les plus chichiteux. Et donc il arriva juste quand il faut, à la seconde près et étala toutes ses grâces dans un trou garni.

Les pâtés d’Amélie sont au pâté ce que le cantique des cantiques est à la Bible, Shakespeare au sonnet et la cigale à la fourmi ! Comme l’écrivait cette andouille de Vigny : « Seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse ». Ainsi, il y eut un long silence avant que de multiples mains ne se jettent sur les crudités de saison assaisonnées avec ce qu’il faut de justesse pour donner à l’ordinaire, aux choses les plus simples, cette petite touche qui fait la différence. Mais Amélie ne s’attarde pas aux saisons, il répugne à céder à l’air du temps et propose de l’éternel tous les jours de l’année. Nous eûmes donc droit à un gigot de derrière les fagots avec ses flageolets. Les castors se goinfrèrent, se goinfrèrent, se goinfrèrent. Les vieux étaient aux anges ; Amélie, c’est leur Gabriel.

Le lancer d’assiette fut parfait, les réceptions un peu moins. Amélie variait le lancer comme un Saubusse (coucou Jean-Bernard) varie sa passe : il y eut le lancer à plat, le lancer en vrilles, le lancer missile, le lancer roudoudou, mais tous parfaitement exécutés. Il y a de l’éducateur dans le lancer d’Amélie ; il devrait écrire un traité du lancer d’assiettes (et Pioupiou celui du lancer de cruches). Rien à dire sur le fromage où le Roquefort siégeait aux côtés d’un camembert d’école et d’un petit chèvre accorte. Retour à l’été avec les fraises que les vieux, ce n’était pas original mais tellement plus savoureux, dégustèrent dans leur verre avec un soupçon de vin rouge (Franck ayant le soupçon particulièrement généreux). Avant que chacun ne prît soin du fruit du fraisier, Amélie bénit l’assemblée de Chantilly. (A propos de Chantilly, vous ne trouvez pas que le général, il ressemble à Eric Woerth ?). Enfin, What Else servit le café. Il régnait une douce atmosphère au trou en ce second jour d’été. Oui, Amélie, il a quelque chose d’un ange. Même si, même si…

16 juin 2010

Le cuistot de la semaine, lasagnissime boudou con

Par Le Barde


Le toulousain, ce n’est pas un toulousain comme les autres. On l’attend côté cassoulet ; il vous la joue lasagne. Il y a de l’italien dans Bonnet et du Bonnet dans l’italien. C’est d’ailleurs pour cela que le cassoulet, il s’en branle. En revanche, les hors-d’œuvre, il délègue, préférant aller à l’essentiel, au consistant. Et il délègue bien. Sachant que le Liban est l’Eden de l’huître, il confie à l’un de ses ressortissants le soin de nous servir du mollusque bivalve. Et d’Arcachon de surcroît. Walid, c’est le levi-Strauss de l’huître, le Jack l’éventreur de la coquille. Et il éventre bien. Avec Walid, c’est tous les jours dimanche.
Bonnet, il a la lasagne fine alors que le toulousain, d’ordinaire, il a le cassoulet lourd. Il faut le voir besogner la pâte avec son accent de Toulouse, l’écouter susurrer ses mélopées ponctuées de boudu con en poussant de temps à autre des Ah ! tu verras, tu verras, en jetant un œil du côté de la ville rose où Cécile dort . (Imaginez un pizzaïolo en train de préparer un cassoulet en chantant la Norma). De petites touffes de salades accompagnaient le tout. Il ne resta rien de l’offrande. Rien. Le toulousain était aux anges. Et les castors au paradis. Alors, la Pibale cita le Psaume 139 :
« C’est toi qui as créé mes reins ;
Tu m’abritais dans le sein maternel.
Je confesse que je suis une vraie merveille,
tes oeuvres sont prodigieuses… »
« Tu te prends pas pour de la merde » lui dit Eric (Léonard). Puis Pioupiou chanta. Le profane, l’impie prenaient le dessus. « Seigneur pardonne leur car ils ne savent pas ce qu’ils font » gémit la Pibale. Et il rentra dans ses déserts.
Alors Bonnet s’attaqua au lancer d’assiettes. Comme il ne peut rien tenter sans son Salem, il avait scotché sur chaque assiette une invitation à célébrer Cabane n°12 chez Tonino, place Marie-Brizard. Bonnet, il taquine de la com jusqu’aux fins fonds du trou. Le lancer fut parfait et le fromage illuminé par un roquefort d’anthologie. Vint le dessert cécilien. Une tarte aux poires nimbée de chocolat avec sa boule de glace à la vanille. Superbe. Le toulousain avait bien fait les choses. La soirée s’étira comme un chat. A minuit, la pluie fit des claquettes sur le trottoir. Le Toulousain se prit pour Gene Kelly et regagna ses pénates.

10 juin 2010

Le cuistot de la semaine, chiche mon canard !

Par Le Barde


- Tu es amoureux ?
- Non, je suis pragmatique, me répondit Kiki.
C'était au comptoir. Nous n'étions plus qu'une poignée. La bouteille d'eau de vie aux baies de houx était vide. Kiki arborait un cigare, le cheveu ras et l'oeil vif. Miguel le titilla sur son pragmatisme. Mais Kiki le laissa mariner dans ses conjectures et s'enfuit avec un petit air de Gémini le criquet. Kiki un criquet ? Pourquoi pas si on pratique Robert le Petit : « Insecte volant et sauteur, herbivore (orthoptères acridiens), de couleur grise ou brune, très vorace, appelé fréquemment et abusivement sauterelle. » Pas de doute, il y a du criquet dans Kiki. Comment ne pas l’imaginer stridulant auprès de créatures éplorées.
Ce dialogue me rappela un passage de L'homme qui tua Liberty Valance lorsque James Stewart, soumis aux premiers feux de l'amour s'adresse au barman :
- Vous avez déjà été amoureux ?
- Oh ! Moi vous savez, j'ai toujours été serveur.
Tout cela n'a pas grand chose à voir avec Lolo me souffle le Toulousain. J'en conviens mon Bonnet, sauf que tout cela s'est passé au crépuscule de la soirée de bouffe de Lolo. Donc Lolo y est pour quelque chose. Et puis Lolo, il a un petit air de John Wayne, l'homme qui tua vraiment Liberty Valance. Et Caro, elle a un je ne sais quoi de Maureen O'Hara, inoubliable dans les bras de John dans L'homme tranquille lorsque la pluie tombe et rapproche leurs deux corps sublimes dans un coin du cimetière irlandais. John Ford reconnaîtra les siens.
Donc Lolo était de bouffe. Se gaussant des premières chaleurs, il avait opté pour la charcutaille : pâté, jambon serrano et rillettes. L’influence de notre Jacques (Escassut) imprègne toujours plus le moindre castor. Lolo n’étant pas le moindre, j’en conviens. N’entendant pas être confiné dans les rets du porc, Lolo y alla de son canard qu’il nous servit confit. Avec pour seule complice une salade abondante et appréciée. Hélas, le canard menaçait d’être chiche. Lolo sua à grosses gouttes, dévoré par le remord, la larme à l’œil. La réalité démentit ses craintes. Mais le mal était fait. Il errait comme une âme en peine, psalmodiant un acte de contrition incompréhensible. Alors Loulou se leva, le prit dans ses bras et le réconforta. Il saisit un peu d’eau fraîche qu’il répandit sur le visage de son petit dont les pleurs n’étaient plus que d’imperceptibles geignements. Et Lolo sourit. Il put enfin procéder au lancer d’assiettes avec une précision de lanceur de cruche. C’est à ce moment très précis que Pioupiou entonna un père Abraham d’anthologie au grand dam de Guitou qui n’en pouvait mais. Sobre le fromage et de goût. Le tout s’acheva par une tarte aux pommes. La tarte aux pommes, c’est un classique indémodable. Comme Lolo. Dans la bouche d’un vicomte, c’est un compliment.
Puis, le trou se vida. Sauf au comptoir où Kiki trônait évoquant ses amours inaccomplies mais courtoises.

07 juin 2010

Le cuistot de la semaine, le Maître au trou

Par Perdigue


Françaises, Français.
Charlottes, charlots.
Mesdames et Messieurs les jurés,
Public chéri mon amour.
Bonjour ma colère, salut ma hargne, et mon courroux…Coucou.
Ainsi débutait le réquisitoire de Pierre Desproges à l’encontre de Pierre Troisgros en octobre 1982.
Je sais ce pense de suite l’ineffable Castor :
« Et qu’il était tout seul »
« Et qu’en plus, il n’est même pas gros »
« Et pour qui qu’y se prends »….
Ah, enfin une bonne question !
Mais qui qu’y se prends qui ? (Vous suivez là où on remonte deux lignes plus haut ?)
Votre narrateur embouteillé, ou l’homme au barreau d’acier ???
Jamais au grand jamais, je n’oserais me prendre, ne serait-ce pour une « Proges », alors que notre baveux Castorifère se verrait bien enfiler la robe du Ministère public comme une pucelle son premier cierge.
Car il est tout de même plus « Desproges » que « Régo » notre cuisto mardinical.
Je me rappelle, il y a près de 20 ans, lui relatant à son endroit le dialogue d’un journaliste frappant à la porte de Cocteau et trouvant Jean Marais à son huis, lui disant :
« C’est pour le Maître ? »,
Le journaliste répliquant :
« Non c’est pour le voir ! »
Notre Pavarotti des tribunaux me rétorquait « Celle-là, elle est éculée !! »
Bin moi, sur le coup, ça m’a troué le slip. Depuis, j’en mets plu.
Comme quoi vous voyez la vie tient à peu de chose.
Mais notre homme est un être plein d’énigmes et de chalenges. Mais pourquoi a-t-il posé du fromage râpé sur la table, alors qu’il y avait du jambon et du gaspacho ???
Ah ! Vous aussi vous trouvez ça con. N’ayant peur de rien au niveau culinaire, j’ai essayé pour vous le gaspacho avec le fromage râpé (j’avais déjà essayé avec le jambon…). Je peux vous dire que ça ne fond pas. Le gaspacho, c’est froid. Du coup avec du fromage râpé, à manger : c’est chaud ! (Y’a toujours la solution de remonter plus haut si ça va pas)
Mais la solution était dans le plat de résistance, ou plutôt le légume du plat de résistance : la PASTA. Même ointe de cette sublime sauce, la Pasta ça tient au corps, et le Castor aime ce qui lui tient au corps, tout comme ce qui lui tient au cœur.
Une fois bien délayée dans l’estomac par quelques litres de rouge, la Pasta pouvait suivre son périple gastrique sans encombre. Mais c’était sans connaître le cuistot du moment.
Point de répit pour le Castor qui pourrait voir se profiler, à l’horizon de la 6ème république, la disette frappant les professions libérales, obligé de faire la manche devant les établissements des divers ministères publics.
Voilà du lourd : du riz au lait. Mais pas du riz au lait fait par-dessus la jambe pour des donzelles calculant les calories qu’elles vont ingurgiter.
Non ! Du VRAI. Celui qui te fait bander lorsque tu prends ton couteau pour en faire des tranches à ton voisin d’à côté.
Celui qui te fait dire que t’es un homme, un vrai, parce qu’en plus t’en reprends.
Tu deviens un Dieu vivant auprès de tes semblables qui ressemblent à de vieilles carpes sorties de l’eau.

Toi, le Castor inconnu ; L’absent malgré toi ; Celui qui voudrait bien, mais qui n’peut point. Celui qui voudrait bien, mais qui n’veut pas. Vous nous manquez au même titre que ceux qui sont trop loin (Le Bosniaque, mon Frère, Pinche Couille qui est là, mais déjà parti…), vous tous ne pourrez percer le mystère des poules de Klaus.
Si elles ont vraiment bouffé comme nous, le bon Docteur sera obligé de les fister pour qu’elles puissent pondre.
Mais le congrès de spécialistes de la poule, réunis ce mardi soir (voire mercredi matin), Gwen, Tonton et Mézigue sommes arrivés aux conclusions suivantes :
- Les poules de Klaus chient des œufs durs.
- Klaus doit consulter un ophtalmo d’urgence, il est en train d’élever des autruches.

Alors ! omelette ou mayo ?