20 décembre 2013

Les Archis contre les Ruines, la défaite des fêtes

Par Donasummer

« J’ai les dents du fond qui baignent » Son excellence EDG dit « le Barde » 23h19, le 17/12/13

C’est la nuit. L’obscurité règne devant les vestiaires de Victor Louis. Les silhouettes forment un pli hercynien dont, de loin, on épelle les sommets familiers : GrandTom, Alainf, Flo, Migwel, Grogwen… On se rapproche mais aucun de ces fleurons n’est là. On cherche alors des yeux les puissants contreforts, les ramparts, les assurances : les Yanns, les Léozeille, les Benoichattes, mais non, il faut se rendre à l’évidence, seules les castors gazelles ont fait le déplacement. Le massif aperçu de loin est, en fait, une montagne de Ruines, une horde de grizzlis crocs sortis et bave aux lèvres.

Dans les vestiaires, dans le petit coin où se sont blottis les Castors, ça ne cause pas beaucoup.  Même Philippe venu exprès de sa lointaine Tarlouzie reste muet. Bon ! On y va quand même. Pas le choix, on est attendu. Une bande de jeunes archis (des chevaux légers) venu renforcer des Ruines déjà armées jusqu’aux dents, changent de camps. On bricole un pack d’arrières structuré autour de l’expérience de Perdigue, de la bouteille de Régis et du vécu de Peyo (qui fut talon en son jeune temps, si, si !)

Autant le dire tout suite le score fut sec : 0-4. Mais le Match fut beau et inventif avec un splendide essai refusé aux Archiball, pour un prétendu pied en touche. Comme le faisait très justement remarquer JB à l’issue de la rencontre : « Choisir de peindre les lignes du terrain en  vert c’est joli et sans doute pratique pour l’entretien mais ça prête quand même un peu à confusion… » Autre commentaire de Toto qui, en convalescence, avait fait le déplacement pour soutenir et choyer son XV : « On a vu de la vaillance partout : du courage dans les placages, du sacrifice dans les regroupements et de l’héroïsme dans la défense : ils ont souffert mais ils se sont battus jusqu’au bout, je suis très fier d’eux. ».

Yannickd, consultant technique auprès des castordamiers tenait quant à lui à saluer l’arbitrage innovant. « Je crois que le Barde vient d’ajouter une dimension à cette pratique. C’est énorme. C’est une révolution, s’enflammait-il, nous venons d’assister à la naissance de l’arbitrage empathique. » Il était fort attendrissant, en effet, d’entendre l’impartial enjoindre aux mastodontes embauchés par les Ruines de réduire leur vitesse avant l’impact, de présenter une épaule amollie à l’adversaire.

Avec un point ramené au rugby d’évitement (joli essais de Sabite sur un lancement inspiré d’Hamilton) et  un point perdu au rugby de contact, restait la troisième mi-temps au trou pour nous départager. Dans ce secteur,  transcendés par la cuisine sublime de Piou, emmenés par les Cantiques de Guitou et de Dudu, les Archiball sont imbattables. Et sans doute nos adversaires du jour le savaient-ils, car aucune Ruine ne se présenta au seuil vert pomme de la rue de Bègles, aucune n’osa descendre l’escalier de notre tendre caverne.  Sauront-ils jamais ce qu’ils perdirent ce soir-là ? Sauront-ils jamais de quels trésors, de quels de bienfaits, Pioupiou les aurait comblé s’ils avaient bien voulu pousser la porte de notre belle peña ? Auront-ils jamais idée du sublime qui peut se loger dans un foie frai amoureusement poêlé par Maître Escassut, du bonheur que peut procurer un chapon voluptueusement fourré par la main experte du grand Stéphane. Et quel gratin dauphinois ! Quel céleste fromageoletconfiotédecerise ! Quelle triomphale bûche enfin !
Ah vraiment, il fut bon d’achever l’année ainsi : ensemble, repus, et victorieux. Deux manches à une !

« Joyeux Noël, Thérèse ! » El Pulpo 23 h 57 le 17/12/13

04 décembre 2013

Le cuistot de la semaine : réseau social


Par Le Barde


Amélie va à Eysines tous les mardis soirs. Amélie court seul sur le petit terrain d'Eysines. Pour Amélie, Victor-Louis n'existe pas. Ce qu'il aime : les petits terrains pépères qui sentent bon le rugby d'antan. Amélie est un nostalgique. Alors, il fait des tours de terrain, seul, sur le petit terrain d'Eysines. Ce soir, il m'a confié que sa solitude lui pesait, qu'il voulait la partager. Il s'est confessé. Je lui ai dit que Victor-Louis, ce n'était pas si mal, que l'herbe était grasse à souhait, hospitalière et que pour un éducateur, trotter dans un lycée, c'était un peu un retour aux sources. Réconforté, il m'a promis de nous rejoindre à la rentrée, a avalé une petite gorgée de bière, a salué l'arrivée d'Hamilton par un « comment y va ? » puis s’est tourné vers Pioupiou qui, lui non plus n’est jamais allé à Victor-Louis.

Amélie a eu tort de ne pas partager la gonfle sur le pré de Victor-Louis. Sur le terrain de Victor-Louis, nous étions autant d'hirondelles. Et l'hirondelle la plus en vue, ce fut Jean-Phi. Il ne cessa de strier le pré de ces allées et venues. Picorant, de temps en temps, la béchigue. Une hirondelle fait parfois le printemps. Même en hiver. Il y avait Gwen aussi. Pour la première fois, il foulait la pelouse de Victor-Louis. Gwen, il n’a pas grand chose d’une hirondelle, je le sais. Encore que l’on puisse le rapprocher de l’hirondelle à croupion gris  (Pseudhirundo griseopyga).

Il y avait foule au trou. Charisme blogueur oblige. Par Lui, avec Lui et en Lui, la toile est en chair et en os. Même Michel Moga était parmi nous. Et le Général. Pour notre plus grande joie. Ceux qui escomptaient de la cuisine du pays du cèdre en furent pour leur frais. Pas l'once d'un taboulet avec sa touffe de menthe. Pas de mezzé, de Fatti, de  kebbé végétarien (kebbé de carottes, ou de potiron) ou de poisson. Pas de baklawa (disponible sous plusieurs formes : doigt, losange...) ou de quaricha (à base de lait bouilli, à manger avec du sucre ou du miel). Pas de kenafeh, de moghli, de mafrouké, de maamoul, d’halawat al jeben, de katayef… En guise de vin, du Saby. Pas de domaines de Ksara, de Kefraya ou du Château Musar. Quant à l'arak et à l'almaza : macache. Walid, il voulait faire frenchy.

Donc, pour commencer : du velouté d’'asperges à l'écrevisse. Disons le tout net, ces petits bouts d’écrevisse, dodus et roses, trempant dans le velouté d’asperge, c’était du grand art. Regardant Dudu, je me remémorais ce dialogue de Michel Audiard dans Un taxi pour Tobrouk :
- Seriez vous insensible à la nostalgie, brigadier Dudu ?
- Non ! Mais j’aime pas penser à reculons. Je laisse ça aux lopes et aux écrevisses. 

De là à vous dire de quelle variété d’écrevisses il s’agissait ! Sans doute étaient-elles le fruit d’un astaciculteur. Seul le blogueur le sait. Malgré notre nombre, il y eut du velouté pour chacun. C’est un métronome du velouté Walid. Des Waliiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiid fusèrent de toutes parts en guise de reconnaissance. 

Walid, arborant une mine réjouie, mais pas le moins du monde arrogante, non, une mine d’homme, presque d’enfant, satisfait pour le plaisir qu’il donne et qui reçoit la juste récompense de sa générosité, Walid donc nous fit quelque peu attendre avant d’aller chercher le plat de résistance. Un petit salé aux lentilles. Un vrai. Avec ses saucisses de Montbéliard, ses gros oignons, ses carottes. Du grand art encore. Gwen redemanda de la saucisse. En pure perte. Walid fut chiche sur la saucisse de Montbéliard, pas sur le jarret. Et son jarret était exquis. Walid privilégie toujours l’essentiel à l’accessoire. C’est d’ailleurs à cela qu’on le reconnaît. Puisque Georges Lautner s’est fait la malle, comment ne pas citer ce passage des Tontons flingueurs
- On vous apprend quoi à l'école, mon petit chat ? Les jolies filles en savent toujours trop. Vous savez comment je l'vois votre avenir ? Vous voulez le savoir ? […] L'Égypte c'est pas commun ça l'Égypte. C'qui y a d'bien c'est qu’là-bas, l'artiste est toujours gâté. […] J'disais l'Egypte comme ça ! J'aurais aussi bien pu dire… le Liban.

D’accord, rien à voir avec le jarret de Walid mais je m’en bats les couilles, ce qui compte, c’est le libanais. J’aurai pu choisir tout autant : 
- Monsieur Naudin, vous faites sans doute autorité en matière de bulldozer, de tracteur et caterpillar, mais vos opinions sur la musique moderne et sur l'art en général, je vous conseille de ne les utiliser qu'en suppositoire. Voilà ! Et encore, pour enfant.

En guise de musique moderne, on eut droit à la bombarde de l’Amiral. Je ne dis pas le biniou à dessein. Mais peut-être que je me trompe, et à tout prendre, ici aussi, je m’en bats les couilles. Jean-fi se sentit obligé de l’accompagner avec sa trompette bachique. Enfin, nous eûmes droit à ce chant traditionnel que seul Michel Moga porte à la perfection : « Ma mère m’a donné cent sous ». Pendant ce temps, Walid, sis entre Franckie et Pépé, rayonnait et contemplait ses bienfaits.  

Puis, il se leva, lentement, se dirigea vers le comptoir, demanda qu’on lui prépare les assiettes, jeta un long regard sur l’assemblée, pris quelques assiettes, se plaça juste à l’angle du puits et commença son tir. Avec précision, attention, souhaitant sans doute éviter toute chute, il réussit à atteindre chacune de ses cibles à l’exception de quelques mains maladroites, ce qui ne manqua pas de l’affecter, certain qu’il était de parvenir à ses fins. Il se déplaça à l’angle de la cuisine et poursuivit cependant sa tache avec la même application, la même contention, sous l’œil admiratif du Toulousain. Quelle leçon ! Puis, il nous servit du fromage. Puis, le dessert. De l’ananas, de petits tas d’ananas avec une sorte de prune ou de raisin au sommet et de la crème Chantilly. Notre ostéo callipyge versa alors dans le crâne. Il se dirigea vers le Général, répandit un peu de crème sur la chair lisse et tendre et se sustenta. « Demain, tout ira mieux » conclut-il. 

Il ne restait plus qu’à prolonger un peu la nuit. Walid pouvait s’endormir d’un sommeil mérité en murmurant juste avant de fermer les paupières : L’année prochaine, je me la jouerai peut-être origine,  rien que pour faire plaisir au barde !