24 janvier 2015

Bonnet, Boulette, Belote. L’hiver pointe son B.

Par Réglisse
 

La nuit est tombée sur le pré des écoliers. Le froid commence à figer pour quelques temps la nature. L’hiver est là. Le castor n’est pas un animal fait pour taquiner la glace mais bien le ballon. Leur museau est sensible, leurs poils fragiles, la nature n’a pas épargné celui-ci pour supporter les coups de froid. N’empêche que certains n’ont que faire des barrières de Dame Nature qui se fait hivernale. La seule manière en effet de lui faire un pied de nez c’est bien de le pointer.

C’est ainsi que, de cette pénombre hivernale des archis irréductibles se donnèrent au plaisir du rugby. Dans la famille Lolo, nous eûmes la chance de profiter des jambes du fils et de celles… de l’expérience du père. La famille est sacrée ainsi que le panda. Un lolo sans loulou ça ne se fait pas. Le poids de la technique parle pour eux et les jambes n’auront qu’à bien se tenir. Les lignes furent homogènes d’un côté et hétérogènes pour l’autre. La perception est subjective chez le castor joueur. Les paroles de notre Barde libéré de ses écrits ne cesseront de nous le rappeler. Les différences de styles, des genres, des techniques, font partie intégrante d’une équipe. Nous jouons dans une organisation pensée sans ballon pour se désorganiser avec le ballon, c’est la beauté de ce sport que de devoir s’adapter aux aléas de la balle. L’homogène pour certains est hétérogène pour les autres. C’est pourtant si simple à comprendre.

L’expérience se trahit à cette saison non dans le jeu mais par le port du bonnet. Il y a des ambiances frileuses où Les castors ont bonnets. Les équipes auraient pu se faire ainsi, les bonnets d’un côté et les chevelus de l’autre. Trop chaud pour certains, trop rapide pour d’autres. Point de distinction physique, l’arrivée dans l’ère du jeu fera le tri. Par conséquent tout se mélange sans mal. Maxime, jeune stagiaire n’a pas de bonnet et s’évertua à nous montrer que l’on court plus vite sans celui-ci. Même si une pointe sans bonnet ne tire pas le pompon à soi. Seul, Croucrou gardera l’aile l’application des règles et son pompon. Le jeu suscité nécessite en effet un minimum de cohérence nous le répétons assez mais l’en-avant en arrière ça ne se fait pas. La linguistique exprime des limites que la balistique ne peut ignorer. Cela devient plus hasardeux pour une défense qui attaque ou une attaque en défense mais bon tout ça c’est sans le ballon. Croucrou impose les règles pour qu’elles soient communes et bien interprétées; autrement ce serait le pompon et non le sien.

Si le bonnet de croucrou avait été plus court, est-ce que la face du monde rugbystique aurait été différente… Il me faut un empereur pour répondre à cela, les commentaires sont en effet de rigueur. Les bonnets dans l’histoire sont monnaies courantes. Les sans culottes plein d’idées en avaient bien un. Cela démontre bien que sous le bonnet ne se cache pas des jambes mais bien le fruit d’une réflexion forgée par le temps. C’est malheureusement une loi fondamentale qui fait payer en calvitie cette dette attachée au temps du connaitre. Jules César l’avait formulé en ces mots veni vidi calvici. Point de rugby sans touche latine.

La cuisine avant d’être au trou se fit dans les vestiaires. Don est un poète, journaliste, rugbyman , rameur… et rêveur. Son sac de sport est fait pour ses courses, du maillot au poireau, des crampons aux oignons, des chaussettes aux courgettes, du bonnet au navet tout y est pour se dire qu’il va hiberner.

Nous voici au trou, ce soir c’est Tauzin qui régale. Tauzin est de retour au trou et donc de bouffe. Les pendules sont maintenant réglées, 22h00, début des hostilités. Les castors après 22 heures jouent en anapérobie. Point de désaltération, les règles sont fixées, la soif ne sera pas plus forte que la faim que justifient les doyens. L’accueil pour les joueurs est toujours chaud, Pépé, le Tcho, et notre Jacquot préservent les liens fondamentaux de notre trou. Tauzin ne sera pas troisième ligne mais talonneur de soirée entre nos deux frères piliers. L’un parle, l’autre aussi, l’un sait, l’autre aussi, la différence c’est que l’un est en face de l’autre et Tauzin au milieu. Bref c’est parti pour une tarte. Cette fois-ci aux fromages. L’intimité du trou se préserve au masculin, et la présence d’un Margaux aurait été de trop même si notre hôte du soir nargua notre liqueur habituelle portant si bien son nom phallitien, au mérite de cette accompagnatrice de renom. Tauzin a du nez pour ses vins et le partage en paroles pour élever les mets qu’il nous concocte. Le Sabite était pour une fois absent de la tablée, son coquelicot et son designer aussi, vivement que le printemps se fasse et que le coquelicot et sa banane reviennent. Quand je parle du Sabite je parle du produit, le concepteur producteur lui était bien là, sur le pré comme à table. Tauzin prit les choses en main pour plusieurs tournées de tartes, en effet il ne manquait de rien. Les chants s’élevèrent en Basque, dans toutes les langues tant qu’elles sont joyeuses. Lafourche dans son pull d’hiver chante comme en été.

L’entrée fit place au plat principal, des boulettes de viande au curry, et sa semoule. Notre cuistot a connu l’Afrique, ça se sent dans sa cuisine. Les mets sont épicés, il y avait de quoi se resservir et nombreux n’hésitèrent pas à le faire. Les discussions allaient bon train, les expériences rugbystiques de chacun. Les styles et les genres se marient très bien en cuisine, la culture se sublime dans la diversité et le voyage. Nos papilles revinrent vite à la réalité du lancer d’assiette. Car quand on voyage on ne court pas, le pré des écoliers et de Musard sont bien loin. De la main à la pâte au lancer d’assiettes, la mélodie se fit avec quelques fausses notes. Nous remarquâmes que le lancer d’assiettes nécessite de l’assiduité tant dans l’entrainement que dans le temps. Rien est inné tout est acquis…

Après quelques lancés de réglage, les chœurs aidant, Tauzin termina sa série de tir. La chanson du bon fromage était de rigueur car nous eûmes du bon fromage.

Une salade de fruit, arrangée de rhum arrangé et nous voilà repus. Certains s’essayèrent à gouter le rhum libéré de ses fruits de saisons. Tauzin s’autorisa à dévoiler ses secrets de confections et de cuisine, une formule magique qui provient peut être du swahili ou d’une langue créole dont la traduction m’échappe. Chaque plat et rhum arrangé se subliment dans l’utilisation de cette formule magique « cémafameki », le français retrouve rapidement ses marques pour dire que la formule seule ne suffit pas et que la patte de l’homme est seule garante du plaisir de tous ses convives. Mais Tauzin sait partager certains de ses secrets. En tout cas, nous n’en saurons pas plus pour ce rhum délicieux hormis cette formule de « cémafameki ». Pour sûr il y avait des agrumes…

La belote s’annonce. La main du barde semble malheureuse en touchant ses paires. Le compte à rebours des dés est lancé. De 6 à 1 la nuit va tomber.

14 janvier 2015

Le rôti de Titi, Rûmî et la roupie de sansonnet


Par Le Barde
 

 
La douceur d'un soir d'hiver. Louer la douceur d'un soir d'hiver si propice à nos jeux d'enfants. Nous étions une petite vingtaine sur le pré. Avec moult gamins. Quelques vieux et d'autres qui balancent entre deux âges. Guitou avait pris les affaires en mains et rassembla les plus alertes. En sorte que la partie fut d'abord bien inégale. Et puis, peu à peu, elle s'équilibra. Le cuir, de temps en temps, léchait l'herbe humide. N'importe, les essais allaient bon train.

Au trou, notre pinson, ceint d'un tablier sobre et élégant, était aux affaires. L'assemblée tutoyait la trentaine de membres pensants. Le général était là ainsi que Lolo avec son petit d'homme. Dudu prit une pinte de Ricard pour désaltérer son corps fourbu. "Ça fait bander le Ricard paraît-il" dit Fayou. "Non c'est le 51 qui fait bander corrigea Pépé. Du moins c'est ce que l'on dit. Moi, je n'ai jamais pu le constater. Tout ça, c'est des conneries." Et le Tcho d'opiner du chef. Le Tcho qui vient de se mettre au piano, nous promettant une marche turque avant la fin de l'année.

Il y avait, bien sûr du pâté Lou Gascoun sur la table. Tradition oblige. Entre Titi et Lou Gascoun, un lien indéfectible s'est noué. Mais ce fut par une soupe de pois rouges que tout commença, un velouté, doux comme ce soir d'hiver et se mariant avec évidence à ce bon vieil Hauchat, à son étiquette au coquelicot flamboyant. Les mauvaises langues chantaient merci Isa, alors qu'Isa est à Strasbourg. C'est notre Titi qui avait commis cette soupe. Pourquoi diable ne pas rendre à César ce qui lui revient ? Il faut franchir le Rubicon de nos clichés.

Puis, nous eûmes droit à une délicieuse salade de lentilles avec, ça et là, quelques brins de carottes. Rien à dire. "Elles sont au poil ces carottes" s'exclama Jean-Phi qui voulait exprimer ses lettres. Il fit un flop. La Fée prit le relais et de dire : « La salade de lentilles de Titi, c’est pas de la roupie de sansonnet ! ». Il ne s’arrêta pas là. « La roupie de sansonnet est une expression qui prend son origine dans le parler populaire du Moyen Âge. La « roupie » signifiait alors la « goutte au nez ». Pourquoi ce lien entre cet oiseau étourneau sansonnet et la goutte au nez ? Et bien, il s’agit, très certainement, d’un détournement de sens à partir « de la roupie de son nez » ou à partir de « la roupie dessous son nez ». Dès le moment où la compréhension de « roupie » s'est perdue au XIXe siècle, le parler populaire a reconstruit « sansonnet » à partir de « son nez » après avoir tenté de créer « de la roupie de singe », autre forme attestée et construite sur « la monnaie de singe » mais sans succès populaire. » Il y eut un long silence, un très long silence. Puis les conversations reprirent.
 

Léo fit de la petite compagnie qui l'entourait un coin pour cinéphiles. Ainsi eûmes-nous l'occasion de l'entendre chanter les vertus du film Yves Saint-Laurent ; Celui de Jalil Lespert pas celui de Bertrand Bonello. Il s’étendit aussi sur La vie d'Adèle. Puis il rendit un hommage appuyé à Michel Audiard. Et de citer, en l'arrangeant un peu, la fameuse phrase : "T'as le droit d'être sentimental quand tu t'es fait enculer." Pas à dire Léo, il est pétri de culture. "Ça fait plaisir, ils sont toujours aussi cons !" me glissa à l'oreille le Général.

Titi avait mitonné un rôti de porc, parfumé au laurier-sauce (parfois appelé laurier d'Apollon), relevé de quelques oignons. Le tout préparé sur un lit de vinaigre balsamique. La chair onctueuse, savoureuse du rôti de Titi fit un tabac. Les pommes de terre al dente qui l'accompagnaient un peu moins. Trop al dente pour certains. Amélie nous vanta les mérites de ses petits qui sont premiers de leur poule. On devisait sur l'Union. Léo évoqua ses déboires véhiculaires. Plus de permis.

Le lancer d'assiettes fut parfait. Pas une ne joncha le sol. Maria passera un mercredi moins difficile. Il y eut bien sur du Cancoillotte et du Côte d'or. Notre Pinson jamais n'a renié ses origines. Puis des poires pochées avec de la glace à la vanille et une sauce au chocolat. Amélie se dispensa des poires mais pas de la glace et du chocolat.

Une belote de comptoir se dressa au coin du bar. De petits groupes devisaient. Il y eut bien quelques sottises sur ces arabes qui n'aimeraient pas l'occident depuis plus de mille ans. L'obscurantisme n'est pas toujours où l'on croit. Peu importe, les amoureux de l'Andalousie savent ce qu'une culture mêlée peut produire de beauté.
Et je ne résiste pas à vous proposer un quatrain de Rûmî que le monde de l'Islam désigne comme son maître :

"Chasse de ton cœur la cupidité, la jalousie, la haine
Change tes mauvaises habitudes, tes mauvaises pensées.
La négation pour toi est néfaste
L'amour est ton salut, augmente-le."

Je rentrais à demeure. Avec Léo puisque Léo n'a plus de permis. Il y avait un rondo de Mozart à la radio. La grâce est bel et bien de ce monde. N'est-ce pas JB ? Rûmî, Mozart, la vie est belle. Je pouvais me glisser dans les bras de Morphée. Le corps fourbu et la paix dans l'âme.

09 janvier 2015

Le cuistot de la semaine avec les tripes

Par Le Barde
 

L'année commençait sans clés. Faut-il y voir un mauvais présage ? Un pied de nez aux "Bonne année" qui n'en finissent pas ? Dans la nuit noire, quelques ombres attendaient que les vestiaires s'ouvrissent enfin. D'ordinaire Seb à les clés. Il ne savait plus qui avait omis de les lui restituer. Heureusement, Jean-Phi vint. Avec la clé propice. Nous pûmes alors gagner les vestiaires, nous changer avant de fouler le pré. Don pénétra dans les vestiaires avec un sac de courses. À l'intérieur : carottes, choux, navets, pommes de terre. Que du circuit court. Si Don avait un panier, il ne se tromperait pas de sac. Et cette confusion ne laisse pas de m'interroger. Inquiet, j'inspectais le sac et lui fis part de sa méprise. Il rebroussa chemin et prit le bon sac.

Nous étions une quinzaine. Le bon nombre pour s'amuser. Et nous nous amusâmes. Bien sûr, ce fut laborieux et les vieilles cannes n'en pouvaient mais après trop de ripailles. Hamilton et moi-m'aime étions en souffrance. Dudu aussi. Mais comme c'était bon enfant, ludique, on fut contre mauvaise fortune bon cœur. L'année s'annonçait sous de bons auspices. Même s'il manquait Walid, Guitou. Par contre, il y avait Pioupiou. Positionné à l'aile, il attendait, attendait. Parfois, la béchigue se retrouvait dans ses bras. Il nous gratifia même d'un essai. Pioupiou à des ardeurs d'oiseau. Qu'on se le dise, l'année sera aérienne. Ce n'est pas JB qui me démentira. D'ailleurs, JB était de cuisine.

Débuter l'année avec JB, c'est une bénédiction. Ou, plutôt, un offertoire. Le hasard, qui n'existe pas, fit de JB le mage de de la rentrée.  JB, c'est trois rois en un seul. Sa crèche : le trou. JB nous offrit des huîtres du Bassin. Savoureuses et fondantes. Avec un pâté comme on l'aime et un petit vin blanc comme on l'aime aussi. Puis JB nous proposa des tripes, des tripes à la mode de Caen. Avec JB, les tripes possèdent la grâce. C'est ainsi, certains êtres sont bénis des dieux. Les tripes étaient savoureuses, fondantes. Comme une sérénade de Mozart, un quintette à cordes. Accompagnées d'un Hauchat à l'étiquette coquelicot. Walid oblige. C'est l'année du coquelicot. Il se substitue au cèdre. L'histoire retiendra qu'au trou, le Liban a changé d'emblème.

Oui, ces tripes étaient parfaites. D'une évidence absolue. Il n'y a que ceux qui effleurent le ciel qui savent donner à ce qu'il y a de plus ordinaire toute les saveurs du monde. La grâce vous dis-je. La grâce efficace, belle, rayonnante. Oui, il y a un jansénisme de la tripe. "La vertu d'un homme ne se mesure pas à ses efforts mais à son ordinaire" écrivait Pascal qui en savait un bout sur la grâce. L'ordinaire de la tripe avait des allures céleste. Louez soit JB.

Le trou était paisible. Peu garni mais paisible. Trou coulait de source, allait de soi. Pépé ne disait mots. Tcho opinait du chef en disant "Putain que c'est bon". Quant à la Jacouille, elle  psalmodiait de vieux répons (ne pas prononcer le s). Nous évoquions avec le Préside nos souvenirs de Tivoli. Le trou était paisible et la soirée calme, si calme.

Les assiettes ne furent qu'une formalité. La passe, JB la maitrise comme peu ; elle lui est si naturelle. Quel que soit l'ustensile. Avec assiette ou béchique, peu lui chaut. La prédestination ne s'arrête pas aux tripes. C'est un tout. Régis dirait c'est un trou. Régis il n'aime rien tant que pousser le trou à bout. Avec El Pulpo, toute la journée, ils échangèrent force jeux de mots sur le trou. Le trou est fécond. Ce n'est pas La Piballe qui en disconviendra. Le trou lui colle à la peau. Comme Croucrou qui donne si volontiers sa langue au trou. Ou Amélie qui n'aime rien tant que remettre sur les rails ceux qui sont au fond du trou.

Le fromage, nickel. Et bien sûr en dessert des galettes. Épiphanie oblige. Parisiennes et briochées. L'amiral nous gratifia en supplément d'un Whisky irlandais hors d'âge. Un délice. JB lui y allait de son jet.

Une belote de comptoir se tint. D'autres papotaient. La belle vie allait son cours. La nuit s'étirait. Il faisait un peu frisquet dehors. On s'en moquait. JB pouvait partir le cœur léger, la besogne accomplie.
JB, c'est un ange.