29 mai 2016

Le cuistot de Bouffe: Jacquot remplace le trou du culte

 Par Le Barde et Bardibulle


Le bel été se rapproche ; qui dira la douceur du temps lorsque le printemps s'efface peu à peu. Walid peut-être ? Ou Stéphane. Et pourquoi pas Croucrou. Tous étaient de pré.

Le bel été se rapproche ; il délie les langues. Dieu que le pré est bavard. Il y a je ne sais quoi d'écolier chez les castors dans cet entre chien et loup où leurs corps se livrent à ce jeu que l'on nomme rugby. Le toucher-parlant est l'une de ses variétés. Le toucher, convenons-en, est la langue du corps, il est muet par nature, une langue des signes dont la passe, et ses infinies diversités, est la syntaxe. Le castor ajoute la parole au geste. Un capharnaüm champêtre.

Il y eut de belles choses. Et de moins belles. Rien de nouveau sous le soleil déclinant. Seb et Serge allaient une opposition d'un soir. Jeff demandait le silence. Bernatchate était là, affuté et fringant. Walid s'essaya à une roulette libanaise sur son aile en enroulant son corps pour mieux distraire l'adversaire. Il connut l'échec. Peu importe, cela témoigne d'un incontestable regain de forme. Titi prit de très nombreux intervalles et alla à dam par trois fois. Prendre l'intervalle, c'est prendre la poudre d'escampette, une manière buissonnière d'atteindre le Graal.

Ce n'était pas le soir de la presse. Simon se blessa. On craignit le pire. Jean-Pierre tempéra nos craintes. Et le toucher se poursuivit. Jusqu'à la tombée de la nuit. Les oiseaux chantonnaient ; le pré recouvra le silence.

Au trou, pas de Miguel. La Jacouille, dont on ne saluera jamais assez l'ubiquité, se substituait au prince de l'omelette espagnole. Comme il s'était substitué au roi de Carles. Encore que celui-ci y alla de son dessert.

En entrée, des crudités : poivrons jaunes, champignons, tomates, oignons. Et quelques radis. Un hommage discret aux jeunes pousses béglaises. Les cadets d'Amelie disputeront une finale contre Colomiers, les espoirs aussi seront de finale, quant aux Crabos, ils ont cédé, dimanche, dans l'ultime étape qui mène au titre suprême. Le Tcho avait pris la place de Pépé. Une affaire de famille.

Jacquot en chef cuistot garda son siège. Celui à côté du Tcho quand Pépé n'en a cure. Sa place s'offre spatialement à la cuisine. D’où la confusion qu’il habite en cuisine. Même si l’habite ne fait pas le moine. Il sait par expérience que du bout au trou, toutes choses ont une place ! Cependant la place du bout de table ne lui appartient pas car elle sied à celui qui ne saute pas son tour. Le tour de bouffe porte ainsi bien son nom. Chacun son tour autrement ce serait « chacun fait son Jacquot de bouffe… ». L'homme est exceptionnel, mais la règle est ainsi faite. Si les vieux ne sont pas sur le tableau, ce n'est pas parce que JP n'avait plus d'encre à l'impression ou juste assez pour noter l’intemporel Coco. C'est tout simplement un rite, notre rite qui n'est plus de passage mais bien de raison pour notre cuvée hors d'âge. Nous rappelons que Le Tcho et Jacquot avaient brillé dans leur réception présidentielle. Et l’exceptionnel fait notre bonheur tout en faisant la nique à l’ordinaire ! Jacquot nous ne l’aimons pas uniquement lorsqu’il est de bouffe. Il traite comme traiteur les impondérables et l’homme d’exception se doit de le rester, exceptionnel.

Nous eûmes du bon confit non pas de canard mais de poule. Stéphane qui prit soin de retirer son protège dent, se proposa pour tâter et partager ces cuisses. L'homme trouve toujours un algorithme pour traduire les plaisirs du moment. Il est à même par ces calculs savants d’anticiper la proportion relative aux désirs alimentaires de chacun. Le plaisir élémentaire tient dans une dose. Le castor se devine dans leur assiette. Il a en lui cet art binaire de la décode ! Il accomplit en rythme le rituel des tournées d’assiette. Le castor est un magicien sur le pré mais son œuvre devient limité pour les miracles. Multiplier les pains et transformer l’eau en Sabite méritent des stratagèmes que la volonté divine occulte. Le dit vin tient de l’homme qui presse ses fruits. Pour la distribution, c’est Stéphane qui s’y colle. Il est là témoin du partage. Jacquot remplit les plats et Stéphane les vide. Le culte est un hommage à nos arrières. Le respect du culte tient aux croyances qui l’habitent. PiouPiou aurait lancé un cantique. Le trou prie ses architectes. « L’habite, l’habite, c’est l’habite à mon père ». L’osmose se crée, la dynamique immobile d’une entente gastrique. Le rythme est bon, les nouilles sont cuites. Le fromage râpé dans des petits plats. L’instant dit vin et Jacquot reste parfait. « Qui aime bien, nourrit bien », lâcha le muezzin. Le Tcho sur ses mots repartit sur une rigole.

Pour la trempette, la rigole fut au rendez-vous à défaut de découpe. Le tcho est un expert, il a l’œil et son cul au sec. Il est docteur ès rigole. Le vieux 4 en mouilla pour sa part son pantalon. Son « culte est mouillé » en conclut le cuistot.

Ce n'est pas Jacouille qui lança les assiettes. Dans un sms, du haut de ses montagnes, Pépé nous recommandait d'avoir la main légère. Elle le fut. A une ou deux exceptions près. Vint le fromage. Puis les tartes aux pommes. La quinzaine de castors filaient ses conversations. Les souvenirs de Casa le disputaient aux soubresauts de la vie.

Une vaste belote de comptoir débuta. Seb en sortit gagnant. Le coup de folie de Walid voulant carburer au super dès la première main y fut pour beaucoup. Amélie avait peu de jeu et faisait triste mine. Une belote rafraîchie par un peu de jet qui ne s'éternisa guère.

Une conversation conclua la soirée. Alain-Charles et Stéphane étaient en verve. Une conversation philosophique et un rien politique. Mais dans le haut sens du terme. Une conversation apaisée où ce qui sépare ne justifie pas que l'on se chamaille.

A peine sortis du trou, nous goutâmes l'haleine de l'été, les langueurs de la nuit. Morphée nous tendait ses bras. Un air de Mozart à la bouche, l'esprit apaisé, nous pouvions nous abandonner au temps qui passe.

20 mai 2016

Les cuistots de Bouffe : Perdigue « ceci est mon sang », Jacquot « ceci est mon pain », Serge « ceci était mon arcade ! »

Par Le Barde et Bardibulle



Quatre contre quatre, c'est peu et c'est beaucoup. Beaucoup parce que huit, c'est mieux que rien. Peu, parce que le pré préfère les chiffres qui excédent douze, treize ou quatorze ; c'est selon. Voir quinze.

Sur le pré, Dudu comptait ses tours. Il avait parié sur l’absence et avait du coup misé sur sa présence. Mais l’homme garde le cap et ses tours de chauffe. En revanche, Thomas était là, Serge aussi. Ils n’étaient pas au Maroc. Même si pour certains le week-end fut lourd. Les week-ends prolongés sont ainsi faits. Le dommage collatéral se situe au trou. Un quatre contre quatre est un jeu en miroir. Point de masse pour se fondre. Le jeu est simple, quand le trou est pris, le trou est pris. Le Barde en chef d’orchestre mesure et conte le temps, Serge à la clarinette se glisse en technique et se durcit en défense, Jeff en haut-bois redresse les courses à l’occasion, Dudu aux cymbales pour quelques éclats dont il garde dans la surprise tout son art, thomas survole l’allegro dans son jeu aérien, Joss et Bardibule les pieds sur terre espèrent le décalage pour mettre un vent. Notre pilier garde la ligne et pratique en pointes les sonates intemporelles de Ben Gwen.

Les remugles de Casa n'y étaient pas étrangers, seuls les casaniers étaient de pré. Les voyages coupent les ailes. Le jeu fut très approximatif mais joyeux. Bonjour, bonjour les hirondelles. Quel est l'imbécile qui a dit qu'une hirondelle ne fait pas le printemps ? Pas Perdigue. Pas davantage le Préside. Tout castor est une hirondelle qui s'ignore. Ce n'est pas Serge qui dira le contraire. Ni Dudu. D'ailleurs, ils lacéraient le pré de leurs courses fringantes et altières. J'y allais de mon Super Dudu, tant il en imposait. Le pré s'acheva par un concours de drop. Les trois derniers passèrent par-dessus les perches, tutoyant un ciel entre chien et loup.

Au trou, c'est Perdigue qui allait sa cuisine. Enfin presque, puisque notre Jacouille l'accompagnait. Si quelqu'un mérite d'être béatifié, c'est lui et nul autre. Pour auréole, une queue plate bien sûr. Donc sans sa Jacouille, Perdigue n'est rien. Le saint et le larron en somme. Ce n'est pas Amélie qui dira le contraire. Amélie qui vient d'amener ses petiots en demi-finales.

Nous n'étions guère plus nombreux au trou. Un petit côté familial en somme, loin d'être désagréable. Le Tcho était là, en gardien du trou. Le trou est un temple, cela va de soi, mais c'est tellement mieux en l'écrivant. Pépé, lui, était absent. Il est en cure Pépé, dans les Pyrénées. Toto et Tautau, eux, étaient là. Fayou itou. Élancé comme jamais. Bref, nous étions une douzaine. Une cène, sans Judas et sans dernier repas. Une figure de style, sobre et belle.

Jacquot nous alimente pour commencer au bar. La troupe est réduite et du coup plus serrée au comptoir! Nous retrouvons le cochon en boudin, pâté et jambon. Amélie fait des allers-retours pour le pain que nous partageâmes. Il rompit le pain, toute une cène. Jacquot astique son auréole, un ange et en toute innocence partagea son cornichon. Fayou à la pression retrouve ses bases. Thomas compte les tasses. Nous fîmes le tour des tasses pour trouver la sienne. Sans réussite, les reliques sont pourtant sacrées et les codes éternels. Point d’apparition sans disparition. Le trou est sacré !

La première couche était au bar la deuxième à table. Tous serrés encore pour faire bloc autour du tabouret de pépé. Jacquot en chef, Perdigue en commis sont en cuisine. Pendant que la troupe saucissonne ! Perdigue a sorti son Hauchat à lui. Hauchat nous le rappelons est un château à l’envers. Ben Sabite étant en mode Boulaouane… Nous pensâmes à CriCri d’amour qui surfe avec sa dulcinée dans les eaux tropicales. Il a la tête en bas et les pieds dans l’eau ! L’évasion est importante lorsque les légumes sont de la partie. Haricots verts et sa volaille seront sur la table. Le menu est délicat. Les traiteurs ont du savoir vivre et surtout le sens de l’offrande. Le Tcho amateur de bons mots, est une réincarnation réunie de Lacan et du Dalaï Lama. Il a parfois un petit côté hirondelle quand il siffle la chansonnette. L’homme aux grandes oreilles (il paraîtrait que les lobes s’agrandissent à force de se réincarner), proposa l’amalgame de l’offre et de la viande pour faire l’offrande. Perdigue ébahi se resservit de son vin. Ceci est mon corps, murmura-t-il à haute voix. Le Tcho en retour, ceci est mon sang reprit du poulet. La cène est éternelle.

Le Barde était heureux, sa ponctuation en enculé tirer les guillemets est là pour le prouver. Il se prête à la magie des mots de l’ovalie. Nous profitâmes des bonnes choses qui n’ont pas une faim mais un trou !

Le lancer d'assiettes eût pu être parfait. Mais voilà, il y eut un couac. Par la faute de Jeff et non de Perdigue. Et l'assiette de déposer une fine entaille sur l'arcade de Serge, comme un paraphe. Jeff partit en quête du pansement approprié. Point de Général pour recoudre la victime.

L'ambiance resta bon enfant. Le fromage aussi. Le Carles 2005 coulait avec une profondeur et une suavité sans égales. Puis vinrent les desserts. Tartes aux pommes et une tropézienne, pas deux. Pas de Fin de l'été sans Guitou.

Comme d'ordinaire, une belote de comptoir se dressa. Comme d'ordinaire Jacouille l'emporta. Avec Serge. Qui dira le salut par les cartes ? Pas Perdigue, impuissant à conjurer ses mains de misère. Lors qu'Amélie filait bon train. Avec un soupçon de Jet.

Le ciel était une ombre douce. A peine griffé par quelques nuages. Perdigue fredonnait :

Qui donc a rendu
Leurs couleurs perdues
Aux jours aux semaines
Sa réalité
À l'immense été
Des choses humaines

Et de répondre, la larme à l'œil, ma Jacouille bien sûr. 

17 mai 2016

Le cuistot de Bouffe : Une moussaka qui se plie en Vieux 4 !

Par Le Barde et Bardibulle
 



Le joli mois de mai, le joli mois d'aimer, ô gué, vive le pré. Une rengaine, une antienne de printemps. Encore que l'on puisse écrire aussi le joli mois des mais. Le castor est ronchon ; il ne se satisfait pas de la douceur du temps. Il parle, râle, juge. En somme, il la ramène un peu trop. Et, pour tout dire, c'est un tantinet assommant. Surtout pour ceux qui subissent ces paroles et qui ne sont venus là que pour taquiner la gonfle. La gonfle est notre idiome, point n'est besoin d'en rajouter. Le silence lui va comme un gant.

On l'aura compris, le pré fut bavard, très bavard. Trop bavard. Le printemps vous dis-je, une montée de sève. Nul doute qu'elle n'aura qu'un temps. Beaucoup de bruit pour rien pour reprendre le titre d'une pièce du barde de Stratford. Sinon, l'on courut, l'on se passa la balle. Et il y eut quelques beaux mouvements. Les défenses sont parfois très perméables. Au grand dam de Serge.

Au trou, tout de noir vêtu, le vieux quatre rayonnait. Il avait invité quelques proches. Le Chairman rayonnait aussi. Il y avait également le fils de Fredo Campo, Aldo. La Gitane est éternelle. Notre préside, le genou arnaché, était tout sourire.

Le vieux quatre aime les asperges. Nul ne s'en étonnera. Il ne goûte rien tant que de partager ses plaisirs. Nous eûmes donc notre lit d'asperges... L’homme est raffiné et ne propose que du bon. Le castor est un animal à queue plate et une queue sans ses attributs c’est comme un 4 sans son vieux devant… cela ne se fait pas. Il faut donc rajouter deux olives par asperges pour faire au total le plus grand bonheur de Dudu. Du Coco, de Dudu à Pépé à croire que l’olive fait bégayer. Mais non l’asperge est fine et douce en bouche. Dudu est un diminutif qui en dit long pour un homme qui enfile ses olives sans compter. Les olives sont noires, et les asperges sont blanches. C’est du binaire simple pour les informaticiens et un bonheur complexe pour les amateurs des saveurs bruts. Le « e » n’est pas de circonstance. L’asperge et ses olives fredonnent le féminin en bouche. Une pointe de douceur dans un monde de saveur brut !

La sauce est huilée. Point de temps de fouetter la mayonnaise. L’asperge en tas se partage. Les plats vides, les olives libérées du noyau des choses. Le vieux 4 débarassa comme il se doit pour répondre au grand rituel de la bouffe. L’homme n’est pas une asperge comme les autres.

Le plat principal fit suite à l’entrée. Les codes sont respectés. La moussaka prit le relais. D’abord la table puis le bar. Nous étions en nombre au trou pour sucer les olives et faire fondre les asperges. Le départ des castors est proche dans cette aventure marocaine. Les derniers détails sont réglés par le Prez à une olive près. L’expédition pour l’homme de tête se fera sans son croisé. Point de guerre de religion qui ne tienne. L’expédition se fera dans d’autres conquêtes et en bons souvenirs surtout. Le rappel est là, Coco aussi, les Archis sont nés en 69. Nos cinquante ans approchent. Coco chante, à chaque temps mort, l’ange n’a pas le temps de passer, Coco chante. Enfin, il chante en la. Il donne le la, le fameux la de lalalalala.

C’est une amorce comme le muezzin pour la prière sans les genou-flexions, le sport nous le gardons sur le pré synthétique. Jean Phi est un amateur de « La » aussi. Il n’y a pas un Mardi sans sa chansonnette et un mardi sans son vin. Le plaisir est là cette fois ci avec un accent. Notre ami la Roze (yeah) nous l’a dit ce matin. Le Hauchat coule à table à flot. La moussaka est un plat sans patate. Qui n’a pas entendu chanter le vieux 4 pour ses patates tambien ? Et bien le cuistot n’a pas sorti la sienne. Il pointe son aubergine. Une Aubergine de jeunesse un paradoxe pour le vieux 4…qui garde sa patate. L’aubergine fera son légume. La moussaka vient de l’arabe, préparation des troupes obligent. Mussaqqa’a, signifiant frais, parce qu’elle est ainsi servie dans le monde arabe. Du frais au crû, il n’y a qu’un Trez qui peut faire la différence. Mais bon, les saveurs sont là. La quantité supporte la pression du soir.

Lorsque nous eûmes débarrassé les assiettes et que le vieux quatre s'apprêta à lancer celles du dessert, un vent de panique souffla. On craignait légitimement le pire. A tort. Certes, un fracas intermittent fut de mise. Rien que de très ordinaire. Il devait davantage à la maladresse des récipiendaires. Puis nous eûmes droit à du brebis et sa salade. Avant que de savourer un riz au lait. Le vieux quatre avait fait dans la tradition. Un clin d'oeil à l'enfance en somme. Amélie y succombe si volontiers. Pas au clin d'oeil, à l'enfance. Le chairman itou. Le chairman qui lança une Gitane cruelle en hommage à Fredo Campo. Suivit un florilège de chants. Le choeur des anciens se dressa et, côté à côte, ils entonnèrent , suivis par la tablée, les hymnes éternels. L'amiral concluant ce récital en menant une belle vache au taureau. 


Le temps de la belote vint. Une belote abondante où Titi y alla de sa super baraque. De petits cénacles papotaient. Le temps était si paisible. Peu à peu, le trou se vida, tristounet de se retrouver seul. Un lieu est un être.

La nuit était douce, hospitalière. La nuit est monde. Coco s'adressa au ciel et lorgna, plus précisément, sur la constellation des castors. Il reconnut les nôtres et leur fit un salut affectueux. Il crut voir un sourire de Jacky. Une petite larme coula sur sa joue. Puis, il dansa. La vie est belle confia-t-il au Tcho qui opina du chef.

Bon séjour à Casa pour les partants !


04 mai 2016

Le cuistot de Bouffe, répétition de tajine pour le berbère bernard ...

Par Le Barde et Bardibulle

Ce mardi 3 mai est jour de Boléro ; l'œuvre de Maurice Ravel est dans le domaine public. On est en droit de lui préférer La pavane pour une infante défunte, fût-elle pour piano ou pour orchestre. Dans un cas comme dans l'autre, on demeure étymologiquement dans la danse. Ce qui fait tout naturellement lien avec la gonfle. Le rugby est une chorégraphie dont le pré, à défaut de sol, est la clé.

De surcroît, l'origine vraisemblable du boléro vient du surnom "Volero » ou danseur volant que l'on donnait à Sebastián Cerezo. Un rugbyman est un danseur volant ; l'affaire est entendue. Et ce n'est pas Pioupiou qui me contredira. Ni Le Poulpe. D'ailleurs, Le Poulpe, il a quelque chose en lui de Sebastián Cerezo.

Le toucher ne fut que danse ; la bechigue voletait de mains en mains. Même si les mains n'étaient pas toujours au diapason. Quelques passes échouèrent comme des malpropres, quelques ballons churent. "L'imperfection est la cime" dit Don qui connaît son Char (René) sur le bout des doigts. Ben courrouçait Jeff, Serge se faufilait, Jean-Phi serpentait bien sûr. Simon, notre invité du jour, rédigeait de belles courses et Walid tentait vaille que vaille des cadrages débordements, dis sur son aile droite. Etc.

La partie avait une certaine gueule. Ou, si l'on préfère une gueule certaine. Comme un air de Ravel.

Au trou, Bernard avait disposé des gougères dans des assiettes immaculées. Des chouquettes au fromage si l'on veut. Un prélude, un délicieux prélude. C'est le côté Chopin de Bernard. Ce qui annonce se suffit à lui-même et devient un genre propre tout en ouvrant à mille et un possibles. Notre chairman qui était là apprécia. Et quand Coco est là, le trou est un peu plus que le trou, l'écho d'une odyssée sans fin. D'autant que JB était là, ajoutant un peu plus à l'éternité de cette soirée.

Bernard se lança moderato dans son entrée. Point de grosses caisses, il ne nous raconte pas de salade. Le cuistot se la joue fin pour flirter avec l’allez gros. Une entrée en douceur. Chacun sa portion, point de service à la louche. L’attention est tendre et l’esthète fait saliver. L’orgasme féminin se fond dans le fin visuel. La touche fait son effet et talonne une petite part féminine toujours vénérée au totem des castors. Il en faut peu pour relier le regard à la bouche. Les œufs en cocotte à la tomate et tout son jus. Le Barde trouva dans l’œuf le berceau des dames. L’origine du monde interroge la place de l’œuf par rapport à sa poule. Lacan chaussa ses De Sausurres et souri du fameux « dit l’aime » de la cocotte dans son œuf. « L’œuvre de la vie jongle avec de nombreux contenants vides ». Se lamentait le Tcho qui sauçait sans compter. L’œuf en cocotte c’est comme une cocotte sans œuf ou un trou sans son coco. Coco du coup poussa une chansonnette. Les réponses n’ont pas de mots mais trouve toujours un air d’opéra. Les questions peuvent bien se poser mais les réponses en elles-mêmes n’existent pas. Voilà ce que contient l’œuf que du plaisir de dire. Le doute rassure pour le penseur pyrénéen. La certitude angoisse pensa l’autre versant. Le plaisir de débattre allait bon train. La portion est limitée pour d’autant plus de plaisir. Le plaisir s’exclut de la jouissance par les limites qu’il impose. Les lignes de notre pré sont bien là pour nous le rappeler. Dudu prit du coup le temps de s’asseoir. Il trempait sa baguette pour profiter du met.

Bernard est pour sa part aux baguettes, celles qui ne trempent pas mais celles qui commandent le tempo. L’entrée et sa resserve est un subterfuge pour faire tourner le chrono. Les castors sont agréablement conquis par ce leurre. « Leurre de la suite » se fit attendre et nécessita les cris des couteaux. Certains pensèrent que le repas tenait dans l’entrée. Et sifflèrent du coup le fromage.

Les repères sont bousculés et nous voilà au Maroc. Préparation des troupes oblige !

Le Sabite sortit une nouvelle cuvée de Sabylaouane. Le muezzin appela la prière et les castors se mirent en danse et dans l’allegro. Les assiettes blanches d’un aller se retrouvent au retour remplies aux délices de l’orient. L’orient est au Sud pour les castors sans boussoles. La Tajine de poulet est aux pruneaux et aux olives. La semoule au couleur de safran. Les parfums sont présents. Dudu se contente de compter ses olives. Il est ainsi. La conversion se fait pour tous les autres. Les salammalecs se transforment en passemoilesel, les plaisirs se retrouvent dans chaque bouchée. Une partie de Casablanca dans ses nuances marines et orientales, une partie de Rabat dans la puissance et la beauté d’une cité impériale, Meknés dans les parfums épicés de sa médina et Fès qui nous ramène à l’essentiel. Le plat nous fait voyager et prépare nos castors à la traversée. Le tajine est fait pour les castors. C’est un plat qui de tradition se mange avec les doigts. Le doigt comme le toucher est sacré ! Le couvercle est enlevé pour le plaisir des yeux et chacun pioche directement dans le plat avec trois doigts : l’index et le majeur retiennent un morceau d’une galette de pain mise à disposition pour chacun des convives, le pouce ramène l’aliment sur le pain avant de porter le tout à la bouche. Les doigts ne doivent pas toucher le reste du plat. Mission impossible pour le castor qui ne peut tourner son doigt devant, derrière et dedans. La technique mérite un entrainement pour le tournoi à venir. Le tajine se mange du coup à la fourchette et évite ainsi toutes des cons venues. Le trou est vraiment sacré !

Le lancer d'assiettes fut plus que convenable. La seule fausse note vint de Jean-Phi qui, voulant imiter Lolo, se tourna, tendit ses mains derrière son dos et ne parvint pas à attraper l'obole. L'assiette arasa quelques verres. Pas de blessés. Un camembert fondu au four nous fut offert avec ce qu'il faut de croûtons et d'ail. Une tradition bernardesque. Tous de tremper le croûton aillé dans le fromage liquéfié. Et de boire un petit coup de Saby. Cary Grant se plaisait à cet exercice. Tremper, c'est vivre affirma-t-il. Le Tcho et Pépé se repaissaient.

Un gâteau avec sa crème anglaise acheva la besogne. Amélie aime beaucoup la crème anglaise. Amélie est un tendre, il aime ajouter une douceur à une douceur. La conversation filait son train. L'humeur était joyeuse. Le Poulpe égrenait ses bons mots comme un pain sa mie. Il y avait loin des turpitudes de ce bas-monde et du bruit du temps. Le trou est un antre.

Comme d'ordinaire, une belote de comptoir se dressa. Le Barde jeta le premier son cube. Comme d'ordinaire, Walid l'emporta. Bernarchatte est à la fête. Serge et Regis se disputèrent la dernière place. Serge fut défait mais n'en tant pas rigueur au bardibule.

Une nuit de printemps, douce, hospitalière accueillait chacun d'entre nous sitôt la porte verte franchie. Le printemps est une manière d'être. Se prenant pour Fred Astaire, Jeff tenta quelques pas de danse. Le bitume eut raison de sa grâce. Putain de Boléro dit-il. Et de danser une gigue pour faire la nique à Ravel.